Allez, bienvenue dans ma nouvelle newsletter mensuelle. Un peu de tout, en vrac, ça s’affinera sûrement au fil de mois, à moins que ça me saoule et que j’arrête tout bonnement. On verra, mes amis, on verra.
J’ai modifié la page d’accueil du site consacré à Mertvecgorod et j’en suis content. Vous pouvez y jeter un œil si vous voulez : https://mertvecgorod.wixsite.com/mertvecgorod
Une réflexion, en passant :
Depuis quelques semaines je bosse H24 sur mon prochain bouquin. J’essaie de construire l’intrigue, de doser la progression des révélations, de fabriquer vraiment un squelette solide qui donnera un polar politico-historique haletant, violent, riche, se déroulant sur plusieurs époque et jonglant de façon subtile avec les points de vue, les atmosphères, la tension narrative. Je m’arrache les cheveux, néanmoins ça prend forme.
Alors que je commence à voir le bout du tunnel je me dis merde, j’ai assez bossé, y a quoi sur Netflix pour que je me détende ? Et là je tombe sur Une heure de tranquillité, de Patrice Leconte, scénarisé par Florian Zeller d’après sa propre pièce, avec Christian Clavier, dont le pitch laisse rêveur : « Tout ce qu’il veut, c’est écouter tranquillement son nouvel album… Mais il est constamment interrompu par sa femme angoissée, son fils militant et un plombier incompétent. » Voilà, ce film a coûté 9,41 millions d’euro et a été vu par 1 039 516 personnes en France. Peut-être que je me suis trompé de métier. Ça donnerait quoi, Christian Clavier à Mertvecgorod, je me demande. (Et à propos d’Une heure de tranquillité, que j’ai évidemment tenté de regarder, on se refait pas, il y a quand même un excellent gag dès le générique, c’est le nom de la monteuse : Joëlle Hache (oui, je suis bon public))
Une autre réflexion :
Ce que j’aime dans l’écriture, c’est suivre une piste sans me poser de question, aller jusqu’au bout de la narration qu’elle suggère, y compris si ça bouleverse le roman. Par exemple, dans Le Messager, le manuscrit sur lequel je travaille en ce moment, le narrateur d’origine Tchétchène est arrivé à Mertvecgorod en 1997 et a résidé de façon clandestine dans le pays (pour ceux qui ont lu Valentina, il s’agit de Sbrod). Seulement, au moment où je reprends le fil de son existence, en 2018, il est expatrié à Berlin et bosse pour un cabinet d’avocat peu recommandable. Il faut donc qu’il ait obtenu d’une manière ou d’une autre la citoyenneté de la RIM. Je me renseigne et, parmi les moyens possible, il y aurait l’armée. Parfait, voilà notre Sbrod devenu bidasse en 2008 et combattant trois ans en Géorgie dans l’équivalent à Mertvecgorod de la Légion étrangère française. Oui mais voilà, on ne passe pas trois ans sur le front sans conséquence. Je me documente donc sur les effets du stress post-traumatique. Et là, évidemment, je découvre tout un tas de trucs aussi flippants que romanesques et ne peux pas faire autrement que réorienter considérablement mon roman, faire de cette donnée un axe secondaire important de mon récit. Ce qui tombe bien, puisque l’un des thèmes de ce roman, c’est la violence qu’exerce l’État à l’égard de ses citoyens. Et voilà comment un bête détail narratif que je pensais résoudre en deux ou trois phrases se transforme en nouvelle ligne de force pour mon livre. La littérature, quelle joie, quand elle s’intéresse au réel.
Une dernière pour la route :
Il est possible qu’il existe deux grandes familles d’écrivains. Celle à laquelle appartient par exemple mon copain Fabrice Capizzano. Eux, ils sont attrapés par une langue, une voix, ils essaient de la saisir une phrase après l’autre et chemin faisant une histoire leur tombe sur le casque. Et celle à laquelle, je crois, j’appartiens moi. Nous on est visités par une histoire (qui peut être très conne, hein – pour Mertvecgorod c’était : « Putain, j’aimerais bien raconter la vie de Raspoutine et de Mishima, ils sont quand même super perchés les deux gadjos »), alors on essaie de la raconter tant bien que mal, et chemin faisant, paf ! On croise la route de la langue. Pour le dire plus schématiquement, il y a les écrivains qui partent de la littérature et embarquent le roman en route, et ceux qui partent du roman et embarquent la littérature en route.
Comme vous le savez peut-être, j’ai passé le mois de juillet en résidence d’écriture à la Laune, en Camargue. C’est l’unique moment de l’année où je peux me livrer au plaisir rare de monter le son de mon ampli jusqu’à parvenir à couvrir les stridulations des cigales, tout en bouffant quatre glaces par jour.
À la Laune, je ne me contente pas de dormir, telle Marylin Monroe, avec pour seul vêtement quelques gouttes de répulsif à moustiques. Non, non. J’ai trouvé un nouvel usage de ce merveilleux produit. À l’heure où l’aube blanchit la campagne, tandis que ces sales bêtes se heurtent à la moustiquaire pour tenter de sortir retrouver leur marécage maudit (et on se demande bien pourquoi ces crapules ne prennent-elles pas, pour sortir, le même chemin que pour entrer), je les extermine avec jubilation à grandes giclées de ce produit hautement toxique pour mes bronches, si j’en juge par la toux qui m’accable pendant de longues minutes ensuite. Sachez-le : le répulsif à moustique ne fait pas que repousser les moustiques. À haute dose, il les tue – mais peut-être que j’en mets tellement que je les noie, tout simplement.
Mes lectures du mois écoulé :
Funèbre ! le tour du monde des rites qui mènent vers l’autre monde, de Juliette Cazes : Intéressant mais léger, je vous le recommande si vous n’êtes pas un obsédé de la question, sinon vous aurez l’impression, comme moi, d’avoir déjà lu ça à droite et à gauche.
Au-delà de Blade Runner : Los Angeles et l’imagination du désastre, de Mike Davis, traduit par Arnaud Pouillot : À vrai dire, je me suis un peu fait chier, à part un ou deux chapitres cruciaux – mais, justement, rien que pour ces chapitres-là, si vous vous intéressez à l’urbanisme et à la catastrophe, le bouquin vaut le détour.
L’Art de demander, d’Amanda Palmer, traduit par Raphaël Eymery : Contre toute attente j’ai adoré ce bouquin fluide, tonique, revigorant, qui contrairement à ce que je craignais enfonce très peu de portes ouvertes et m’a filé la pêche. Tout le contraire d’une connerie de développement personnel, quoi.
Fragile/s, de Nicolas Martin : Il faut évidemment lire cet excellent roman d’anticipation et de politique-fiction qui chasse sur les terres de la littérature générale, ou le contraire, je ne sais pas, en tout cas le mélange est réussi, savoureux, j’ai pas lâché ce bouquin bourré de suspense et de tension narrative avant de l’avoir terminé.
Malart, d’Aro Sáinz de la Maza, traduit par Serge Mestre : Si vous aimez déjà ce génial auteur de roman noir, jetez-vous sur celui-là. Si vous ne connaissez pas, jetez-vous dessus, vous n’allez pas en revenir. Le meilleur dialoguiste actuel, trente coudées au-dessus de tout le monde, même si je n’ai jamais su ce que c’était une coudée.
Notre part de nuit, de Mariana Enriquez, traduit par Anne Plantagenet : Bon, tout le monde a dit que ce roman était génial, je vous le confirme, ce roman est génial. Que dire d’autre, à part qu’Enriquez est la meilleure dialoguiste actuelle, trente coudées au-dessus de tout le monde, et qu’à mon avis c’est pas un hasard si elle est hispanophone, j’ai une théorie là-dessus mais j’ai la flemme de vous l’exposer, demandez à Clément Milian, je lui ai tout dit.
Une salamandre à l’oreille, de Fabrice Capizzano : Si vous avez aimé ses deux premiers, c’est encore meilleur. Plus dense, plus émouvant, plus poignant, moi à la fin j’ai failli chialer, et je peux vous dire que le dernier qui m’a fait chialer c’était pas un auteur mais un oignon. Par contre, je sais pas quand il paraîtra, quand je l’ai lu il venait tellement de sortir du four que je me suis brûlé les doigts, je crois que même l’éditrice (coucou Marion !) ne l’a pas encore ouvert.
Comme un roman, de Daniel Pennac : Bon, la principale qualité de ce livre, c’est qu’il avait pile la bonne épaisseur pour surélever le ventilo de sorte que le bon air frais m’arrive dans la tronche.
Revival, de Stephen King, traduit par Nadine Gassie et Océane Bies : Comme souvent chez King, un premier tiers passionnant, un deuxième tiers emmerdant, un troisième tiers qui donne l’impression qu’il a commencé un nouveau roman sans réel rapport avec les deux tiers précédents. Enfin, l’avantage c’est qu’on risque pas l’AVC en le lisant et des fois on en demande pas plus.
Le Grand Dieu Pan, d’Arthur Machen, traduit par Paul-Jean Toulet : Je n’avais jamais lu ce classique, c’est chose faite. J’ai trouvé la composition et la structure d’une grande modernité, la langue un peu datée, dans l’ensemble j’ai apprécié comme on apprécie un classique, avec une certaine distance. Le plus dur a été de résister à l’envie de faire un jeu de mot à base de « Cousin Machen » (zut, raté).
Amanita, de Julien Guerville : De l’excellente came, et j’emploie pas ce mot au pif, je vais m’empresser de lire les autres bouquins de l’auteur et attendez-vous dans un avenir incertain mais beau à des jumelages entre Poghorn et Mertvecgorod.
Helgoland, de Carlo Rovelli, traduit par Sophie Lem : Un petit point sur la physique quantique ça fait jamais de mal. J’ai lu ça en suivant le conseil de Thomas Gunzig, j’ai adoré et j’y ai puisé toutes sortes de réflexions passionnantes sur la littérature narrative, mais c’est parce que je suis obsédé. Si votre truc c’est la pizza aux quatre fromages vous y trouverez des tas de réflexions passionnantes aussi, ne vous inquiétez pas.
La Fiancée de personne, d’Ava Weissmann, très, très bon, langue vive et puissante, très intelligente dans la brutalité, un bonheur. Même l’intrigue est classe, et je peux vous assurer que je dis pas ça tous les jours.
À part ça j’ai aussi lu tous les textes qu’on a reçu pour le Prix Jacques Sadoul (un peu plus d’un million de signes, quand même) et, tant que j’y étais, trois manuscrits.
Deux petits poèmes, allez. Un qui fait trois lignes, tiré de mon recueil Une vie normale et que je trouve de circonstances :
Envie de voir gagner le Front National
Comme on passe sa langue sur une dent cariée
Fasciné
Et un inédit, pas bien plus épais :
Le bonheur ? — C’est pas important.
La santé ? — C’est pas important.
Le pognon ? — C’est pas important.
L’amour ? — C’est pas important.
Le cul ? — C’est pas important.
La liberté ? — C’est pas important.
L’amitié ? — C’est pas important.
Putain t’es chiant Siébert, c’est quoi qu’est important, alors ?
Bien choisir la place de la virgule, ça c’est important.
Bien choisir à quel moment commence et à quel moment finit la phrase, ça c’est important.
Le reste ? On s’en bat les couilles.
En parlant de poème, j’ai ressorti Il faut se désintoxiquer du monde du tiroir où il prenait la poussière. Vous pouvez le lire ici :
https://mertvecgorod.wixsite.com/mertvecgorod/il-faut-se-désintoxiquer-du-monde
Deux extraits du roman en cours d’écriture, Le Messager, un polar existentiel que j’essaie d’inscrire dans la lignée de Chandler et Hammet (quitte à être ambitieux, hein), dans lequel on retrouve les personnages de Valentina une quinzaine d’années après les événements :
« — Vous jouez aux échecs, des fois ?
— Hein ?
— Les échecs. Vous aimez ça ? Il y a des joueurs dans le parc, à deux pas d’ici, vous savez. Il y a des tables avec les cases peintes dessus. Les gens s’installent et jouent. Certains y passent la journée.
— Tu trouves qu’on a des tronches à jouer aux échecs avec des connards qui zonent dans le parc ? C’est quoi ton problème ? T’essaies de te foutre de notre gueule ? Tu cherches des emmerdes ?
— Non, je demande, juste. Je suis curieux.
— Qu’est-ce que tu nous casses les couilles avec tes questions à la con, fils de pute ?
— Ouais, vous avez sans doute raison. Pourquoi est-ce qu’on demande les choses, hein ? Alors que le plus souvent la réponse est aussi inutile que la question.
— Allez, casse-toi, taré. »
« Il voit l’avenir, le passé, il possède des tas de pouvoirs aussi étranges que puissant. C’est un genre de Tom Bombadil de Mertvecgorod ! » (Pensais-je un jour écrire une phrase pareille ? La réponse est non – bon, à ma décharge, ça n’est pas tiré du manuscrit mais de mes notes)
Et pour finir, hopopop, un peu de promo :
Sur le blog de La Musardine, un article de Claire Von Corda :
Sur le blog de Clarissa Rivière, une chronique d’Obsessions, le dernier roman de Claire Von Corda, décidément elle est partout :
Sur le blog de La Musardine à nouveau, un entretien avec Eden Liber, l’auteur d’Escapades Libertines :
Et enfin sur La Voix du X, un entretien avec Aurélie Stéfani à propos de son dernier bouquin, Plein soleil, deuxième volume de la série Un livre de cul dont vous êtes l’héroïne, que j’ai eu la joie d’éditer pour La Musardine :
De la promo à l’auto-promo il n’y a qu’un pas, voici donc trois nouvelles critiques de Volna :
One : https://imaginair.es/@1AM/111471982847680705
Two :https://polars.pourpres.net/polar-71082-votes?order=score
Three :
Et deux nouvelles critiques de Valentina :
One :
Two : https://www.facebook.com/photo?fbid=10160432614755662&set=a.75769980661
Voilà les amis, c’est tout pour ce mois-ci, mais c’est déjà pas mal, je me dis.
Ah, oui, non, un dernier truc : je suis à Bruxelles jusqu’à la fin du mois. Si vous voulez boire un coup, signalez-vous !
Ah oui! C’est tellement important, la virgule 😄!